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Introduction au Néolithique

Cours 10 : Conclusion ? Révision ! Epilogue...

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Introduction au Néolithique

Cours 10 : Conclusions ? Révisions ! Epilogue...

 

Pour achever ce cours annuel sur le Néolithique de l’Europe, aujourd’hui, nous allons reprendre les idées essentielles que j’ai développé dans les cours, afin que vous puissiez vérifier vos notes et arriver à l’examen un peu plus détendu.

Cette synthèse générale nous amènera peut-être à quelques idées majeures sur la néolithisation de l’Europe et ses conséquences et peut-être même à discuter un peu si vous le souhaitez.

Commençons par l’origine et par le plus simple.

Qu’est ce que la néolithisation ?

Je vous rappelle que 5 grandes innovations composent la définition complète du Néolithique :

la sédentarisation

l’agriculture

l’élevage

la céramique

la pierre polie

La métallurgie qui se développera rapidement après n’étant pas un élément de définition du Néolithique, mais inaugurant ce qu’on appelle les âges de métaux.

Cette définition correspond à ce qui se passe dans certaines régions de la planète à un moment compris entre 12000 ans avant notre ère, pour les plus précoces et 3000 ou même 2000 avant notre ère et même au-delà pour les plus récentes.

Tous ces éléments correspondent à la définition du Néolithique, mais rappelez vous qu’ils n’apparaissent pas en même temps, ni nécessairement dans le même ordre.

Les grands foyers de néolithisation dans le monde sont au nombre de 5 :

Le plus ancien est sans doute le Proche Orient, mais plusieurs foyers possibles en Chine pourraient être aussi assez précoces, ainsi que le foyer d’Afrique saharienne.
Les 2 autres foyers sont les foyers américains : le foyer d’Amérique du sud qui comprend les régions andines et peut être l’Amazonie et la Mésoamérique c'est-à-dire la région du Mexique actuel essentiellement.

Toutes les autres régions dont je vous ai parlé, ne sont pas des foyers primaires de néolithisation mais des zones de diffusion à partir de ces foyers.

Le foyer proche oriental est donc très précoce mais en même temps très lent à se mettre en place puisque entre la première sédentarisation des peuples natoufiens vers 12000 et l’apparition de la céramique vers 7000-6900, 5000 ans s’écoulent.
L’agriculture et l’élevage apparaissant sans doute dans ces régions entre 9000 et 8000 avant notre ère et étant bien établis vers 8000.

L’agriculture va concerner essentiellement des céréales : des blés et de l’orge, mais aussi des légumineuses.

L’élevage s’oriente tout de suite vers 4 espèces d’ongulés qui sont : le mouton, la chèvre, le bœuf et le porc.

Ce sont ces espèces végétales et animales domestiques qui vont arriver en Europe avec les premiers colons néolithiques, et cela dès 6800. Alors que la colonisation de l’île de Chypre remonte au 9e millénaire.

Cette diffusion vers l’Europe se fait selon des processus et des modalités différents selon les régions, on reconnaît :
Un processus d’expansion démographique, lent et à courte distance qui va caractériser la diffusion néolithique en Europe centrale.
Un processus de colonisation, rapide et à longue distance qui va surtout caractériser la néolithisation de la Grèce dans un premier temps puis de la Méditerranée, jusqu’en Méditerranée occidentale.
Enfin, un processus d’acculturation des populations locales, volontaire ou non qui va s’effectuer au marges des zones de colonisation ou d’expansion néolithique par contacts et échanges avec les indigènes.
Ceci caractérise surtout l’expansion néolithique en Europe centrale, mais aussi en Méditerranée occidentale et sur la façade atlantique par exemple, en fait à tous les moments et à toutes les marges de l’expansion néolithique.

La Néolithisation de l’Europe, vous vous en souvenez, se fait par deux grands courants à partir de la Grèce et des Balkans. Le plus rapide, le courant méditerranéen va longer les côtes septentrionales de la Méditerranée et implanter depuis la côte est-adriatique jusqu’au Portugal et en Afrique du nord des groupes que l’on dit à céramique à décor imprimé, dont les plus importantes sont l’Impressa et le Cardial.

L’autre courant, plus lent se fait à partir des Balkans, dans les cultures de Starcevo, Cris et Koros, en remontant le Danube et va néolithiser l’essentiel de l’Europe centrale et septentrionale jusque au Bassin parisien avec les groupes à céramique linéaire ou rubanée.

Les régions les plus septentrionales et nord-occidentales seront néolithisées les dernières, la scandinavie par le groupe des gobelets en entonnoirs vers 4000, les îles britanniques (on ne sait pas trop comment ni par qui) peu ou prou à la même date et la Bretagne par le groupe de Cerny, déjà du Néolithique moyen donc, mais un peu plus tôt peut-être dès la première moitié du 5e millénaire.

Après les grands phénomènes d’expansion du Néolithique ancien, les groupes culturels vont avoir tendance à se régionaliser un peu partout en Europe mais ces sociétés vont rester en permanence en interaction et vont être traversées de grands phénomènes d’ampleur continentale.

Pendant le Néolithique, les cultures vont à des rythmes différents selon les régions, se regrouper et se diviser, pour former de temps en temps de grandes entités très homogènes sur de vastes superficies et de temps en temps des mosaïques de groupes aux identités marquées.

Ceci montre déjà l’existence d’une histoire complexe de ces groupes où se produisent sans doute des évènements de nature historique, des alliances, des guerres des conquêtes qui vont amener à ces changements que les archéologues observent à partir des traditions techniques et stylistiques des vestiges de la vie quotidienne.

En grandes tendances, pour l’Europe occidentale et la France, on va voir les grands ensembles danubiens et méditerranéens exploser à la fin du Néolithique ancien en diverses cultures. Puis pendant le Néolithique moyen, au milieu du 5e millénaire, on observe la reconstitution de grands ensembles totalement différents de ceux de la période précédente avec en particulier le groupe Chasséen et celui du Michelsberg, mais aussi d’autres en Italie et en Espagne par exemple.
Au milieu du 4e millénaire, ces grandes entités s’émiettent à nouveau en une multitude de groupes régionaux qui évoluent de façon autonome tout en échangeant en permanence les uns avec les autres.
Seul le phénomène campaniforme au milieu du 3e millénaire contribuera à regrouper une nouvelle fois tous ces ensembles par le mise en place d’une vaste culture commune cependant divisée en de multiples faciès mais unis par des échanges importants à travers toute l’Europe.

Ceci est une caricature de l’évolution culturelle du Néolithique en Europe occidentale, mais en plus elle ne s’applique pas réellement à l’ensemble de l’Europe. En Europe centrale et orientale, le rythme et les évolutions culturelles sont différents avec là aussi des grands groupes et des phases de régionalisation. Mais par exemple, au début du 3e millénaire, époque marquée en France par la présence de très nombreuses cultures régionales, l’Europe centrale est très homogène culturellement par ce que l’on appelle la culture cordée qui va s’étendre de Pologne jusqu’en Suisse et qui ne disparaîtra qu’avec l’influence campaniforme.

Concernant maintenant les vestiges de tous ces groupes culturels.

Nous avons évoqué un peu plus que le reste la céramique, car celle-ci semble avoir une propriété particulière, celle d’un sens culturel important. Si on peut faire à peu près n’importe quoi avec de la terre cuite, on est obliger de remarquer qu’on ne l’a pas fait. Le poids des traditions est si important qu’on ne fabrique qu’un seul style céramique parfois sur de grandes géographies, mais pendant des durées relativement courtes, ce qui a permis aux archéologues de poser les bases des chronologies du Néolithique.

Il n’y a pas, il n’y a aucune évolution linéaire dans la céramique pas plus que dans d’autres domaines pendant le Néolithique. Les vases les plus anciens ne sont pas nécessairement les plus frustes. D’un groupe à l’autre ou d’une époque à une autre on va trouver des morphologies très différentes avec ou sans fonds plats par exemple, et avec des décors tantôt imprimés, tantôt incisés ou peints, ou gravés qui permettent de s’y retrouver parmi tous ces ensembles.

L’industrie lithique, dont nous avons beaucoup moins parlé est la digne héritière de centaines de milliers d’années de pratique de la taille et du débitage du silex et de l’obsidienne essentiellement. Là encore les évolutions ne sont pas linéaires et on peut observer à grande échelle en Europe occidentale une industrie souvent microlithique au Néolithique ancien, avec de très petites armatures montées en barbelures sur les flèches par exemple, puis au Néolithique moyen, le monde de la lame et de la lamelle qui est une forme d’apogée de l’industrie lithique avec des matières soigneusement sélectionnées parfois très loin, des traitements spécifiques pour encore améliorer les qualités de la matière comme le chauffage des blocs avant le débitage et la réalisation de produits très stéréotypés.
Avec la fin du Néolithique, l’industrie lithique semble privilégié ni la qualité des matériaux, sauf pour certaines productions, ni l’esthétique des objets réalisés, mais plutôt le rendement et l’efficacité.

Le développement du métal est très ancien dans ce Néolithique puisqu’il apparaît dès le 5e millénaire dans les Balkans, avec les spectaculaires cas en Bulgarie, et peut-être aussi assez précocement en Espagne du sud mais là les rares cas sont encore en cours d’étude et de discussion quant à leur datation.
Le développement du métal (le cuivre et l’or essentiellement dans ces premières époques et presque uniquement des armes et des parures) n’est qu’une innovation de plus, l’usage d’un nouveau matériau, pourtant il semble être bien plus que cela, si on parle d’une Chalcolithisation de l’Europe (le chalcolithique désignant la période où on a à la fois le cuivre et la pierre) c’est parce que ce phénomène semble être lié à de nombreuses transformations sociales et économiques en Europe.
En réalité, beaucoup de choses restent à comprendre sur ce phénomène mais il semble bien que les peuples détenant les secrets de la métallurgie, et sans doute même les personnes au sein de ces peuples qui les détiennent, forment rapidement une élite qui va thésauriser le métal sous la forme de cachettes, métal qu’on va retrouver aussi sur certains d’entre-eux dans les sépultures.
Mais si des objets de métal se diffusent en Europe orientale et centrale dès le 5e millénaire puis pendant le 4e, il faut attendre le début du 3e millénaire pour que à la fois, d’autres centres de productions de métallurgie apparaissent (comme dans le Midi de la France) et aussi pour que les objets en métal se diffusent en Europe de l’ouest. En réalité, c’est même dans la deuxième moitié du 3e millénaire que le métal va se diffuser partout, sans doute du fait des Campaniformes, inaugurant ainsi réellement les âges des métaux et ouvrant sur l’âge du Bronze.

Evidemment les objets de la vie quotidienne de ces peuples ne se limitent pas à la céramique, au silex et au métal, en réalité toutes les ressources disponibles sont exploitées. L’outillage sur matière dure animale (en os et en bois de cervidés) demeure important pendant tout le Néolithique. Le polissage de la pierre est aussi une caractéristique de la période et nous avons pu voir même le rôle particulier joué par certaines productions de grandes lames de hache en roches alpines.
Mais il faudrait surtout ajouter à cela toutes les matières périssables qui ont été utilisées mais qui ne se conservent que très rarement dans des contextes particuliers, je pense évidemment au bois, sans doute un matériau parmi les plus importants et d’une manière générale à toutes les matières végétales et animales (fibres, feuilles, tendons, plumes, poils, peau…)

L’importance des parures pour les populations néolithiques doit aussi être rappelée. Les sépultures collectives regorgent de milliers d’éléments de perles et de pendeloques de toutes matières évoquant le fait que les hommes et les femmes du Néolithique étaient parés, et cela même dans leur vie quotidienne d’après les quantités de parures, certes moins importantes, retrouvées sur les sites d’habitat. Les tatouages étaient connus selon les découvertes récentes sur le corps d’Otzi, la momie du glacier de la frontière austro-italienne.

Les échanges et les circulations d’objets, les phénomènes de diffusion sont présents pendant tout le Néolithique.
Evidemment cela concerne la sphère d’approvisionnement domestique, autour des sites, pour les matières nécessaires : silex, argiles, bois… Mais cela va surtout être remarquable pour les matières et les objets rares qui se diffusent parfois à travers de très grandes régions. On a parlé des objets métalliques et des lames de haches, je vous rappelle aussi les cas de certaines variétés de silex (du grand Pressigny dans le centre de la France, ou de Forcalquier dans le sud-est) de l’obsidienne des îles de la Méditerranée occidentale, de l’ambre de la Baltique ou de la variscite de Catalogne. Ces phénomènes traduisent un attrait pour les choses rares et d’origine lointaine pour les populations néolithiques. On les interprète généralement comme la preuve de l’existence d’accumulation de richesses dans certaines régions et de l’émergence d’élites au sein de ces sociétés.

Concernant l’habitat, on remarque tout d’abord que contrairement à l’imaginaire collectif, c’est l’habitat de plein air qui caractérise tous ces peuples. Des hameaux, de gros villages et parfois de plus grandes agglomérations. Les grottes et abris sous roche sont toujours utilisés bien sûr mais sans doute essentiellement pour des activités particulières, haltes de chasse, campements temporaires de voyageurs et surtout abris pour les troupeaux et les bergers pendant les transhumances.

L’extrême variété de l’habitat néolithique s’oppose à des traditions culturelles fortes. Et ce sont ces deux termes qui caractérisent donc l’habitat. A la fois, l’habitat est très différent selon les régions et les époques mais en même temps certaines cultures adoptent une forme d’habitat qui sera respectée pendant des siècles et dans de grandes régions. C’est particulièrement le cas de l’habitat du Néolithique ancien dans le monde danubien et rubané avec des maisons stéréotypées concernant aussi bien les matériaux, les architectures et conceptions, les modules si ce n’est les dimensions, mais aussi les organisations internes comme les organisations générales des petits hameaux.
Mais la même homogénéité va se retrouver pour l’habitat du groupe de Fontbouisse à la fin du Néolithique en Languedoc avec ses maisons à murs de pierre sèche.
L’habitat est donc lui aussi souvent porteur de l’identité culturelle du groupe.
L’existence de grandes enceintes, parfois de réelles fortifications, nous indique au minimum la volonté d’ostentation des groupes qui les ont érigés, se montrer, montrer sa force, et au pire l’existence de réels conflits, d’une insécurité latente à certaines périodes et dans certaines régions au moins qui est attestée par d’autres biais.

Les sépultures et les rites funéraires montrent la même opposition entre une grande variété observable et l’existence de traditions strictes et de rites très codifiés selon les cultures. Là encore, pas d’évolution générale pendant la période, si ce n’est l’observation en Europe occidentale, d’une tradition très ancienne de la sépulture individuelle qui est remplacée au milieu du Néolithique par la sépulture collective avant un certain retour à la fin de la période à la sépulture individuelle.
L’association de la sépulture à l’habitat, l’existence de nécropole, puis l’apparition d’une monumentalité funéraire exacerbée vont caractériser le Néolithique en général, mais de façon différente selon les régions.

Le phénomène de la sépulture collective, du rassemblement des morts du groupe en même lieu, clairement identifié et souvent très monumental est sans doute très important dans cette période.

En même temps, le rites montrent l’existence probable de religions liées à la mort avec les dépôts funéraires associés aux défunts et aussi l’existence de cultes des ancêtres ou d’exaltation du groupe par rites pour les vivants avec de nombreuses manipulations de corps mais aussi des temples funéraires.

Habitats et sépultures mais aussi temples et sites sans doute cultuels, nous montrent aussi l’émergence d’une monumentalité inédite dans l’histoire humaine. Qu’il s’agissent de fortifications ou des monuments funéraires mégalithiques, ou des grands ensembles de menhirs, ou des temples eux aussi mégalithiques de Grande Bretagne ou de l’île de Malte, les monuments, grands, impressionnants, dépassant volontiers l’échelle humaine, poussent comme des champignons dès le 5e millénaire pour atteindre un apogée à la fin du Néolithique au 3e millénaire.

Les interprétations sont nombreuses, évidemment, glorification et exaltation du groupe, moyens d’assurer une cohésion sociale ou de maintenir en place un système de classe, mise en place de clergés religieux…

Il s’agit encore d’un monde où la place du symbolique est importante. Ce que nous appelons manifestations artistiques et qui recouvre sans doute des choses bien plus complexes pour les populations d’alors.
Nous avons vu le nombre de représentations animales et humaines sous la forme de peintures, de gravures, de figurines et même d’une grande statuaire fleurir à travers l’Europe, là encore pour atteindre un certain paroxysme au 3e millénaire. Mais au-delà de ces représentations figuratives, l’importance des signes sur tous ces supports doit être remarquée. Elle évoque l’existence de langages symboliques picturaux probablement complexes sans pouvoir être déjà comparés à une écriture mais préfigurant ce besoin de noter qui amène à l’invention de l’écriture, je vous le rappelle, dès la fin du 4e millénaire au Proche Orient.

Ce petit panorama extrêmement rapide du Néolithique nous conduit à quoi ?

Tout d’abord, que pensez vous de la Préhistoire, après avoir eu ces quelques cours sur le Néolithique (période rangée à part entière dans la Préhistoire dans les manuels du fait de l’absence de l’écriture) ? Que de commun avec ces êtres poilus campant craintifs autour d’un foyer sous la porche d’une grotte ?

En réalité, la Préhistoire récente, le Néolithique a beaucoup plus à voir avec les périodes historiques qu’avec la Préhistoire ancienne, mais au-delà de ça, c’est notre imaginaire et celui encore véhiculer par les mauvais bouquins ou les mauvais documentaires qui nous présente ainsi les âges obscurs de l’humanité. En fait, le soleil se levait comme aujourd’hui, dès le paléolithique, de nombreux indices de civilisations déjà fort complexes nous montrent que l’histoire de l’homme est beaucoup plus riche que ça.
Ensuite, les grands développements spectaculaires du Néolithique sont directement issus de toutes les évolutions, les progrès et les innovations des populations du Paléolithique. Je vous l’ai mentionné à de nombreuses reprises, les premières cueillettes de céréales sauvages, la domestication du chien, des essais de sédentarisation, les sépultures et les rites, déjà aussi des architectures complexes d’habitat mais aussi des manifestations artistiques et symboliques…

Que pensez vous de la vieille image du paysan néolithique, semant ses graines dans un champs dans un monde rythmé par le lever et le coucher du soleil, rengaine des manuels d’histoire du secondaire influencée par les tableaux de Millet exposés au Musée d’Orsay ?

Le Néolithique tel qu’on le perçoit maintenant est aussi proche de cela que le paysan du 19e siècle est proche des peintures de Millet. Certes le cadre de la vie rurale n’a sans doute pas beaucoup changé et nous sommes à ce titre, du moins nos grands-parents ou nos arrières grands-parents les enfants du Néolithique. Mais tout comme le 19e siècle est aussi la période tout d’abord des grandes guerres en Europe, celui de la colonisation des continents lointains par l’occident, ou celui de la révolution industrielle, toutes choses que n’ont pas forcément perçues de la même façon, les paysans peints par Millet, le Néolithique est une époque de colonisations, de guerres, d’échanges à très longue distance, de bouleversements politiques, sociaux, religieux et d’innovations techniques sans précédent.  Les paysans néolithiques en avaient ils réellement conscience, c’est une autre question.

Que pensez vous de ces sociétés égalitaires qu’on a voulu voir, avec le développement d’une archéologie marxiste, dans un Néolithique mettant en commun l’outil de production dans un système proche du Kolkhoze ?

Sans me lancer dans un couplet anti-libéralisme, pensez vous que l’époque où on commence à produire des excédents et non plus à prélever sur la nature ce que l’on a besoin, puisse s’approcher d’un quelconque communisme fut-il primitif ? Dans la réalité, tous les vestiges archéologiques plaident pour l’émergence rapide d’élites, ce que l’on retrouve particulièrement bien dans les différences de richesses des sépultures, mais aussi dans certaines formes d’habitat comme dans le fonctionnement des échanges.
Il n’y a d’ailleurs aucune réelle preuve que ces élites n’aient pas exister bien avant cela, ainsi la place des chasseurs peut être très particulière au sein de groupes nomades, mais il existe à ce sujet des variétés de cas sur la planète.

Enfin que pensez-vous de cet esprit des historiens comme des archéologues qui veulent toujours tout ranger dans de petites boites ? Moi j’appelle ça le complexe des sciences naturelles. Où commence réellement l’histoire ?
La définition de l’histoire consacrant la place de l’écriture est-elle bonne ? Un archéologue du Néolithique est en droit d’en douter.
Ainsi les phénomènes que l’on observe socio-économiques, comme l’évolution des cultures et ce dont elle témoigne nous rapprochent plus de la période archaïque de l’antiquité que de la guerre du feu…
Un seul exemple : les colonisations, nous en avons parlé assez longuement pour la néolithisation avec par exemple l’implantation de colonies en Languedoc occidental en provenance de Ligurie et au contact des peuples indigènes mésolithiques, mais l’on peut tout aussi bien observer l’arrivée des premières productions campaniformes dans le Midi de la France et faire des observations qui vont se retrouver dans la colonisation grecque du Languedoc : premières présence de vases d’origine étrangère dans les tombes des riches indigènes, installation de comptoirs le long des côtes et aux embouchures des fleuves. Fabrication sur place d’objets de tradition étrangère et diffusion vers les élites locales. Acculturation progressive des populations locales avec l’apparition de sites mixtes, d’échanges et de transferts culturels etc. Tous ces phénomènes bien connus pour la colonisation grecque et que l’on retrouve mécaniquement pour un phénomène du milieu du 3e millénaire avant notre ère et sans doute de façon guère différente pour la néolithisation à la fin du 7e et au début du 6e millénaire ?

Alors je vous le redemande qu’est ce qui fait la séparation entre ces néolithiques de la Préhistoire et ces grecs de l’histoire civilisée ?

L’histoire humaine est à mon sens un long continuum fait de longues évolutions et de divergences buissonnantes que l’on ne divise que soi-disant pour mieux l’étudier.

Je vous laisse méditer là-dessus et si vous avez des questions, c’est le moment où jamais… contactez moi : olivier.lemercier@u-bourgogne.fr

 

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